Eva Joly et la rhétorique

Hier soir je suis allé au premier meeting électoral de ma vie (il était temps !). Celui d’Eva Joly au Bataclan, la « nuit de l’égalité ».

Public diversifié, nombreux, même si le Bataclan n’est pas le Zénith.

Après un petit discours un peu criard de Cécile Duflot (et quelques sifflets au début qui montrent l’ambiance au sein du parti EELV), peut-être destiné à chauffer la salle, un long discours lu par Éva Joly sur un ton un peu monotone. Intéressant, cheminant de manière argumentée pour démontrer pourquoi l’égalité devient un pilier de sa campagne. Mais bien loin d’une tribune épique et de la rhétorique combative auxquels les hommes et femmes politiques nous ont habitués. (le visionner ici)

Lorsque Cécile Duflot a levé la main d’Éva Joly pour répondre aux applaudissement de la salle, on sentait bien que cette dernière n’était pas très à l’aise. Ça me plaît.

J’ai bien peur hélas qu’Éva Joly n’aille pas plus loin que les politiques du type Rocard, Balladur, etc. (je ne me place pas sur le terrain des idées) : pas assez de slogan, d’idée simple et choc, pas assez de sentences à l’emporte-pièce.

Que faire face à une phrase du type : « d’un côté 3 millions de chômeurs, de l’autre 3 millions d’immigrés » ?
Bien vouloir réfléchir un peu, prendre le temps de le faire, disposer d’informations vraies, pertinentes dont l’explication n’est pas biaisée. Bien vouloir se débarrasser d’une posture a priori et accepter sincèrement la discussion et la confrontation avant l’action.

Or on a l’impression que c’est devenu non pas impossible mais une démarche ultra-minoritaire. Tout favorise la réaction à chaud plutôt que la réflexion et l’action, tout nous pousse à traiter la chose commune (et l’État en particulier) comme cible de nos revendications individuelles, catégorielles, corporatistes, communautaires en oubliant de plus en plus ce qui peut nous faire vivre ensemble, malgré tout.

Irresponsabilité, absence de solidarité, perte du sentiment commun en dehors de son propre espace identitaire : la raison n’est-elle pas que nous sommes en fait exclus de l’organisation de la vie en commun, soumis aux informations tronquées, aux leurres, aux manipulations, que l’on nous traite comme des irresponsables et donc que nous nous conduisons comme tels ?
La participation réelle des citoyens au gouvernement quotidien ainsi qu’aux choix à long terme ne nous rendrait-elle pas plus responsables et plus solidaires ?

Il s’agit bien de reprendre le pouvoir.

La balle est dans notre camp, nous, citoyens, mais pas seulement. Retrouver un vrai pouvoir d’action et de décision ne pourra pas se faire en votant une fois tous les cinq ans pour des gens qui le reste du temps se conduisent comme des rois qui ne gouvernent que selon leur bon vouloir.

Il y faudra aussi l’assentiment d’une bonne partie de nos élus actuels. Pas forcément impossible, beaucoup d’entre eux se dépensent sans compter pour le bien public. Il s’agit seulement de ne plus être dans une logique où « ils font les choses pour notre bien », mais bien un mode où nous faisons les choses pour notre bien.

Une idée diffuse en France nous a habitué à considérer la ruse voire l’hypocrisie comme une qualité que doit avoir un homme ou une femme pour s’en tirer en politique. De même, les grands mouvements de manche et les attaques vicieuses sont indispensables, il faut « mobiliser », faire croire que l’on est proche des sentiments d’injustice, de révolte.

Commençons donc pas refuser cela. La politique c’est agir en commun, pas assister à un combat sans règle et prendre le gagnant pour roi.

Dans le discours d’Éva Joly hier soir, il était question de redonner le pouvoir au citoyen. Cet aspect fondamental pour une démocratie n’est par contre pas du tout développé, c’est bien dommage.

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