Charlie, liberté d’expression et laïcité

Charlie décapité. Comme dans les images qui nous viennent sur Internet où des hommes égorgent d’autres hommes au nom de leur dieu.
Bien sûr, on reste sidéré. Bien sûr, l’effroi nous saisit devant un tel massacre, on pense sans cesse aux victimes, on ne comprend pas ce qui a pu pousser leurs assassins à un tel acte.
Dans des moments pareils, on se rassemble, on parle, on partage l’incompréhension. C’est tout un pays qui se recueille lors d’une minute de silence qu’on veut croire partout respectée, quel que soit son bord politique s’il en a un, quelle que soit sa religion s’il en a une. Radios, télévisions, journaux, Internet, partout la même rengaine : « c’est la liberté d’expression qu’on tue ».

Qu’est-ce qui m’a gêné alors ?
Que ce soit répété ad nauseam ? Que ce soit l’alpha et l’oméga de tout ce qui est dit sur ce crime ? Que l’on n’interroge pas le désespoir de ces hommes qui tuent et savent qu’ils vont être tués dans la foulée?
Dans la classe de collège de mon fils, certains élèves ont rechigné à suivre cette minute de silence.
Sous couvert d’anonymat, car il ne fait pas bon exprimer trop fortement son désaccord dans des moments de communion nationale, certains ne disent pas la même émotion.
Et quelques-uns préfèrent #JeSuisAhmed à #JeSuisCharlie.

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Un journaliste doit-il dire ce qu’il sait ?

Intéressante vidéo d’Arrêt sur Image avec Eric Fottorino, ex-directeur du journal le Monde à propos de son livre « Mon tour du Monde » (Gallimard).
Vers la minute 45, ils parlent de l’épisode suivant relaté dans ce livre : alors qu’il est directeur du Monde, Eric Fottorino se trouve participer à un déjeuner où des accointances et des relations de copinage se montrent sans fard entre Colombani, Sarkozy et Minc.

Daniel Schneidermann qui l’interroge pour Arrêt sur Image, s’étonne que cela n’ait pas été rapporté dans les colonnes du journal. M. Fottorino, directeur du Monde qui n’est alors pas florissant financièrement, lui répond qu’il n’a pas estimé à ce moment que cela fût adroit vis à vis de ses actionnaires, dans sa position, qui plus est à la recherche de capitaux.
Il estime également que des lecteurs n’auraient pas apprécié qu’une situation privée soit lâchée sur la place publique.

Peut-on révéler une information issue d’un cadre privé, peut-on la retenir ? Tout peut-il être dit ?

Facebook ou Google par exemple considèrent que oui, en parlant des internautes : en gros si l’on ne veut pas que ce soit connu, il ne faut simplement pas le faire ou le dire.

D’un autre côté, lorsqu’il est question de personnes publiques auxquelles nous confions notre pouvoir, ne faut-il pas connaître ce qu’ils sont, leurs réseaux, la différence qui existe entre leur image public et ce qu’ils montrent en privé ?
Pour ma part je pense que oui.

Ces accointances révélées ne seraient d’ailleurs pas forcément à prendre comme des trahisons, si l’on ne veut pas rester sur un mode où le pouvoir est sacralisé : elles peuvent aussi participer à rendre nos personnages publics plus réels et nos attentes à leur égard moins inhumaines (voir le billet sur le président superman pour citoyens-enfants).