Adoption plénière : un dialogue étonnant au Sénat

Dans le cadre de l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, des discussions ont lieu autour de l’adoption.

Le sénat a auditionné un certain nombre de personnes morales ou physiques à ce sujet. Dans le compte-rendu de la semaine du 11 mars 2013 de la commission des lois (disponible ici), on lit avec stupeur les propos de M. Jean-Pierre Michel, Sénateur de la Haute-Saône, dont je vous livre ici un extrait (c’est moi qui souligne) :

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur. – Nous avons entendu nombre d’associations sur la question de l’adoption. On peut se demander si l’adoption plénière répond encore aux réalités, alors que l’on adopte des enfants plus âgés, et bien souvent à l’étranger. Est-il encore légitime, a fortiori pour une adoption par des parents de même sexe, de cacher à l’enfant ses origines ?
Car il saura d’emblée que ses parents ne sont pas ses parents biologiques. L’adoption plénière est une fiction qui veut que l’enfant entre totalement dans sa famille d’adoption, sans possibilité de savoir d’où il vient. Mentir est pire que tout pour la construction de l’enfant. Ces questions surgiront inévitablement lors de l’examen des amendements en séance publique. En tout état de cause, la discussion est engagée, et cette question de l’adoption devra avoir une place centrale dans le projet de loi à venir sur la famille.

Je vous laisse lire la première partie de ce compte-rendu. Il montre une effarante méconnaissance de la réalité, d’autant plus chez des gens chargés de faire des lois.

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Mariage pour tous : le drôle de régime politique

Ce qui se passe en ce moment autour de ce qui est appelé « mariage pour tous » me semble être l’occasion de pointer encore une fois le drôle de régime politique dans lequel nous nous trouvons.

Ce sujet est polémique, il se fonde sur des arguments de « contre-nature », d’injustice, ou des ressentis de blessure, il bafoue pour les uns les fondements de l’humain, pour les autres c’est une stigmatisation humiliante. Bref, pas facile d’en parler sans porter le flanc à des critiques définitives et parfois dures de part ou d’autre.

Je prends pourtant le risque. Je voudrais juste discuter les arguments et vous livrer quelques réflexions à leur sujet.

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Les indicateurs, relève de la langue de bois ?

Hannah Arendt

Quelques mots sur les indicateurs…

Pas très excitant, ni très ludique, hein ? Alors pourquoi ?

Parce que nous vivons en permanence avec eux, politique, économie, entreprise, qu’ils participent aux prises de décisions à n’importe quel niveau, notamment au niveau le plus haut de notre société pyramidale.

Vite fait : un indicateur est une valeur qui se veut le reflet de la mesure d’une situation ou d’un objet. Il est choisi pour sa capacité à aider une prise de décision. Il va généralement agréger un certain nombre de mesures de l’objet étudié (pays, entreprise, activité, etc.) pour en donner une synthèse plus facile à manier.

En soi, un indicateur est un outil très utile. Simple, lisible, il paraît idéal pour prendre rapidement des décisions. Mais il couvre cependant des pièges redoutables s’il est utilisé mécaniquement.

La prise de décision

les indicateurs sont le plus souvent associés à la prise de décision. Le piège dans ce domaine réside dans le fantasme du pilote d’avion ou du stratège dans sa tour d’ivoire.

Il peut en effet nous laisser à penser qu’on n’a plus à connaître en profondeur la réalité, que l’indicateur suffit. Sa valeur ou le dépassement d’un seuil effacent trop souvent la prise de décision au profit d’une simple réaction mécanique. Elle permet à celui qui décide, une certaine paresse, une assurance tous risques, une déresponsabilisation, quelquefois même une certaine mauvaise foi. L’indicateur nous guide et vient à notre secours lorsqu’on se sent englouti par la complexité que revêt quelquefois la prise de décision. Mais si l’on en reste là, le guide se révèle être un naufrageur.

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Le président, super-héros pour les citoyens-enfants

Vous avez certainement remarqué la manière dont la plupart du temps les journalistes interrogent un candidat (généralement en le coupant, surtout en télévision) : « et le chômage, qu’est-ce que vous faites pour le chômage ?  » (par exemple l’interview d’Eva Joly sur BFM-TV).
Remplacez « chômage » par « pouvoir d’achat », « sécurité », etc. ce n’est pas important. Ce qui me frappe c’est cette manière de concevoir encore et toujours le futur président comme l’homme ou la femme qui aura pour inconcevable tâche de régler tous les problèmes au mieux, par sa seule présence et son omnipotence, de nature certainement… divine !
Mais dans le même temps ces journalistes les écoutent à peine, se ruent sur la petite phrase, fouillent chaque hésitation, les interpellent d’une manière presque péjorative, comme on recadrerait brusquement un manant sur le rôle qu’on lui assigne.
Le chaud et le froid, l’interview par la pression : prêter à ce candidat des capacités extraordinaires tout en ne lui montrant aucun respect, ni par les questions, ni par l’écoute.

Mais qui croit donc à Superman ??? Cette position dans laquelle sont enfermés les candidats, qui fait fleurir les : « moi je pense que », « il faut que », « je ferai » etc. Stérilité, surface, image.

Je ne serais disposé à suivre que celui ou celle qui ne voudra pas paraître surhumain, qui ne prendra pas une voix de stentor, de chef ou de meneur mais qui proposerait simplement avant tout de nous traiter comme des grands pour que l’on travaille ensemble à nous gouverner.

J’abhorre le super-héros qui nous sauvera comme des enfants que nous voudrions rester.

Et puis parce que tout n’est pas mauvais, quand même, voici un autre exemple d’entretien que je trouve bien plus riche, les bonnes questions posées dans le respect de la personne interrogée provoquant des réponses de qualité (ici).

 

Le vote utile ou comment ne pas voter

On voit en ce moment, comme en d’autres moments semblables, des appels à « voter utile ».
Voter utile, c’est dans une certaine mesure mettre de côté les idées et les objectifs qui sont les siens et voter pour un candidat favori qui représenterait la meilleure chance d’éloigner ceux dont on ne veut vraiment pas.

Heureusement, nous sommes aidés ! Les sondages nous donnent la liste des favoris, les mêmes d’ailleurs qui feront l’objet d’une couverture plus appuyée par les médias, en fonction justement de ces sondages. On assiste alors à un classique effet de renforcement réciproque (si vous voulez sourire, ça fait du bien : http://blog.lefigaro.fr/election-presidentielle-2012/2012/01/bousculade-agitation-crepitement-de-flash.html).
Je ne reviendrai pas sur le fait qu’un sondage ne donne pas une image de la réalité mais juste des réponses à des questions, qu’il peut être instrumentalisé par les sondés et peut souvent ne pas correspondre à la réalité qu’il cherche à prédire (1). Toujours est-il que cet outil devenu omniprésent tente de deviner, à partir de réponses à des questions fermées, les attentes et orientations de nos chers, très chers concitoyens.

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Eva Joly et la rhétorique

Hier soir je suis allé au premier meeting électoral de ma vie (il était temps !). Celui d’Eva Joly au Bataclan, la « nuit de l’égalité ».

Public diversifié, nombreux, même si le Bataclan n’est pas le Zénith.

Après un petit discours un peu criard de Cécile Duflot (et quelques sifflets au début qui montrent l’ambiance au sein du parti EELV), peut-être destiné à chauffer la salle, un long discours lu par Éva Joly sur un ton un peu monotone. Intéressant, cheminant de manière argumentée pour démontrer pourquoi l’égalité devient un pilier de sa campagne. Mais bien loin d’une tribune épique et de la rhétorique combative auxquels les hommes et femmes politiques nous ont habitués. (le visionner ici)

Lorsque Cécile Duflot a levé la main d’Éva Joly pour répondre aux applaudissement de la salle, on sentait bien que cette dernière n’était pas très à l’aise. Ça me plaît.

J’ai bien peur hélas qu’Éva Joly n’aille pas plus loin que les politiques du type Rocard, Balladur, etc. (je ne me place pas sur le terrain des idées) : pas assez de slogan, d’idée simple et choc, pas assez de sentences à l’emporte-pièce.

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Politique, liberté, je t’aime, moi non plus

Est-il possible de rester libre sans faire de politique ?

Et vous, la politique, qu’en pensez-vous ?

Est-ce quelque chose dont vous voulez avoir la liberté de ne pas vous occuper ?

Avez-vous l’impression qu’elle réduit votre liberté ?

Un long billet où sont abordés :

  • le rapport entre la liberté et la politique
  • comment on peut ne pas faire de politique
  • quelques exemples de la vie courante

Alors, m’sieurs dames, si le cœur vous en dit…

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Citoyenneté et numérique

Je suis allé jeudi 24 novembre 2011 à l’université Paris-Dauphine assister à des débats autour des thèmes de citoyenneté et numérique.

Sur un des murs de l’amphithéâtre, gravée sur une plaque de marbre, cette phrase de Raymond Aron, tout à fait dans le sujet :

« La liberté politique contribue à rendre les hommes dignes d’elle, à en faire des citoyens ni conformistes ni rebelles, critiques et responsables. »

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