Luxe et volupté – Breaking the waves

La petite famille partie en vacances. Seul ce soir. Paris.

Un long détour à travers la ville, température douce et soleil timide, mes pas me portent. Je me rends à la pinacothèque. L’expo sur Tamara de Lempicka et dans la foulée celle sur l’Art Nouveau.
J’en ressors un peu ivre, les yeux débordants, envie de dire merci. Et je respire à pleins poumons l’air de cette terre, je suis avec tous, les humains ont inventé la parole qui traverse les âges.

Un ou deux sex shops survivants. En attendant les prostituées, plus tard dans la soirée. Chair triste et sale, solitaire, grise, cachée, soumise.

Mais deux pas, et puis Fauchon. Plaisir des yeux, papilles en émoi. Je musarde devant les vitrines, Saint-Jacques, saumon, foie gras, macarons… arrangés en courbe, entourés de gelée, rafraîchis de légumes juste cuits.

Monsieur ? …ça, et puis ça… et ça aussi s’il vous plaît !

Tout à l’heure à Saint Lazare je suis passé devant des clochards. Ils s’installaient pour la nuit sous les arcades du côté de l’hôtel 4*. Je ne les ai pas regardés. Sacs plastiques, urine, solitude. Nuit et jour et nuit et jour et nuit.

A la maison, l’odeur des lilas. Un Rully sur la table, Mozart plein, plein la maison. Je déguste le mille-feuilles aux asperges et wasabi, je savoure longuement le pavé d’agneau rôti dans une feuille de chou, je fonds sur le carré aux framboises et crème légère.

Dans ma rue, des vieux, seuls, attendent de mourir devant leur télé.

Comment concilier plaisir et mal de vivre ? Comment marier douleur et plénitude ? Comment ne pas sombrer dans le malheur de chacun ?

La beauté est tout à la fois.

Envie de rien

Je reste un peu à l’écart
J’entretiens ma petite douleur,
Légère étrangeté
Dont je suis amoureux.

Je vous regarde bouger pour rien
Au coin du feu, sourire lointain.

Aucune envie de changer
Ni de prendre le vent du large,
Arène de tripes et de sueur
Corps rejetés, moi, les autres sur le bord
un tas épuisé bon enfin pour  la mort.

Aucune envie de perdre dans le vent du large
Ma petite étrangeté
Et ma si légère douleur.

Un suicide

A force de n’en plus pouvoir, du non-sens à chaque porte, de ma vaine respiration.
Insignifiance des idées, perpétuité à l’horizon. Rien ne sert, pour personne.
Un début pour une fin. Jeté, là, par une vague indifférente. Face à moi dans une vague indifférence.

Qui fut jamais aussi fatigué ?

Mais quelqu’un au bord du chemin m’a regardé, à travers moi les abîmes sans fond, le chemin de poussière, le désert du monde qui tourne et qui rit.
Sourire de loin, il m’aime et se moque.

On meurt bien de toute façon. Sors de l’œuf, trace l’eau, construis le sable.
Ne te crois pas.
Embrasse tendrement ce qui te faisait mal, endure donc ce qui n’arrive qu’une fois.